La migration est traditionnellement présentée comme une perte nationale en ressources humaines, notamment un phénomène « brain drain » nuisible à l’évolution du pays d’origine. Cependant, la Diaspora constitue un atout pour certains pays comme l’Inde, la Chine ou les Philippines (P. Bénédique et S. Hugues 2014). Les interventions de la diaspora ont comme soubassement la reconnaissance de leur identité d’origine, qui a pour composante principale la mémoire collective définie par M. Bruneau (2006).[1]
Cette mémoire collective induit ce que bon nombre d’auteurs appellent la Responsabilité Sociale de la Diaspora (RSD)[2]; qui est un sentiment qui pousse ces derniers à intervenir dans le développement de leurs pays sur diverses formes : transferts en espèce et en nature, initiatives entrepreneuriales, transferts de technologies, plaidoyers, etc.
Ces différentes actions des migrants ont des répercutions économiques et sociales sur l’environnement du pays d’origine. Elles contribuent notamment à une meilleure répartition des revenus (en constituant un revenu additionnel
pour certains ménages), à la réduction de la pauvreté et à l’amélioration du bien être sociale (financement de la consommation alimentaire, des dépenses d’éducation, de santé, de petits investissements, etc.), ainsi qu’à la création d’emplois et aux transferts de compétences.
L’environnement économique togolais n’est pas étranger aux externalités diasporiques positives de ses émigrés.
Selon les données de la Banque Mondiale, les envois de la diaspora togolaise sont passés de 193 à 348 millions de dollars US (182 Milliards de F CFA) entre 2005 et 2014. Ces transferts représentent pour le compte de 2014, 10% du PIB et le quart du budget national ; lesdits transferts sont supérieurs aux dons alloués à l’Etat Togolais au titre de l’Aide Publique au Développement (APD) qui se chiffrait en 2013 à 237,49 millions de dollars US soit 110 milliards de F CFA. La dette extérieure du pays a baissé entre 2007 et 2014, passant de 107% à 54,7% du PIB[3].
Cette performance de deux millions d’émigrés togolais est à saluer par rapport aux apports respectifs de 182 et 147 millions de dollars US, de quatre (4) millions d’émigrés béninois et ghanéens.
Aussi, dans son interprétation des résultats de la performance togolaise en 2014, le Représentant Résident de la BAD au Togo M Serge-Marie N’GUESSAN, a-t-il estimé que « la Diaspora Togolaise constitue une source d’investissement social contribuant énormément au développement de l’immobilier, à la création d’entreprises, au financement des scolarités, aux investissements agricoles et à la réduction de la pauvreté au Togo »[4].
En outre, la Diaspora Togolaise intervient dans différents domaines à travers son implication dans les stratégies de développement du pays. Entre autres, elle a contribué à la réalisation du diagnostic préalable à l’élaboration de la Vision Togo 2030.
Par ailleurs, le Togo compte parmi sa Diaspora, bon nombre d’intellectuels-cadres au sein d’entreprises étrangères, institutions régionales et internationales. En 2010, les émigrants togolais représentaient 5,4% de la population nationale. Leurs principales destinations sont le Nigéria, la Cote d’Ivoire, le Bénin, le Burkina Faso, la France, l’Allemagne, le Niger, le Gabon, l’Italie et les Etats Unis. Aussi, il est relevé pour le compte de l’année 2000, une forte proportion d’émigrés de diplômes supérieurs (18,7% des émigrants).
Conscient de l’importance de la Diaspora dans le développement du pays, tout récemment, le Ministère des Affaires Étrangères et de l’Intégration Régionale a ouvert une plateforme pour faciliter le recrutement des cadres togolais dans les organismes internationaux (publication d’appels à recrutement, informations…). Encore que ce programme soit accompagné d’un soutien fort du Gouvernement lorsque le candidat remplit les conditions d’accès au poste.
Aussi, le Gouvernement a créé en Juin 2010, le programme diaspora intitulé « Initiative pour le recours aux compétences et autres ressources de la diaspora ». Cette dernière, prévoit des mécanismes pour impliquer davantage les togolais de l’étranger à travers l’acquisition des compétences pour le renforcement des capacités, l’amélioration du climat des affaires et les initiatives en faveur du développement local, etc. Grâce à ces mécanismes, le gouvernement devrait mieux canaliser en principe les ressources financières de la Diaspora à travers l’émission d’obligations à leur endroit pour financer les investissements nationaux, comme ce fut le cas en Inde et au Rwanda dans le cadre de la reconstruction du pays après la guerre civile.
Par ailleurs, les togolais de la Diaspora qui ont pris la décision ou qui sont rentrés dans leur pays pour contribuer à son émergence doivent également être fortement encouragés via par exemple un Projet d’Appui au Retour au Pays Natal.
Il est indéniable qu’une partie de la Diaspora Togolaise veut rentrer dans son pays pour participer à son émergence. Alors, comment accompagner ce retour indispensable au Togo, afin que chaque partie (gouvernement et diaspora togolaise) puisse en sortir bénéficiaire ?
De nombreuses études sont réalisées dans ce sens, proposant des approches de solutions, matérialisant la suppression du visa pour le retour des bi-nationaux au pays sur présentation de leur carte d’identité ou passeport togolais. A présent, le Gouvernement a les cartes en mains pour passer définitivement à des actions concrètes mutualisées et en continu afin de capitaliser cette force-vive qu’est la Diaspora togolaise. Entre autres, une politique stratégique et opérationnelle du Gouvernement togolais facilitant le retour et l’intégration de ses migrants permettra au pays de gagner en ressources humaines de qualité et détentrices de compétentes diverses pour la construction du pays en vue d’atteindre l’émergence espérée en 2030.
Par Valentine SAMA, Consultante internationale en Economie de Développement, sept. 2015 www.valentinesama.com
___________________
[1] Bruneau Michel, « Les territoires de l’identité et la mémoire collective en diaspora. », L’Espace géographique 4/2006 (Tome 35) , p. 328-333 ; URL : www.cairn.info/revue-espace-geographique-2006-4-page-328.htm.
[2] On peut donner les exemples de : P. Bénédique et S. Hugue 2014, Graham (2013), A. KOUAKOU 2013, etc.
[3] Données du FMI
[4]http://www.linfodrome.com/afrique-monde/18620-ghana-togo-benin-plus-de-338-milliards-de-fcfa-transferes-par-les-ressortissants-de-ces-pays
2 Comments
Je tiens à vous remercier pour cet article que je trouve d’actualité.
En effet ,je suis particulièrement d’accord avec vous sur le fait que la migration à des aspects positives pour le pays d’origine ,aussi j’ai apprécié ce paragraphe: « Par ailleurs, les togolais de la Diaspora qui ont pris la décision ou qui sont rentrés dans leur pays pour contribuer à son émergence doivent également être fortement encouragés via par exemple un Projet d’Appui au Retour au Pays Natal. »
En réalité tous les togolais de la diaspora quelque soit leur secteur d’activités désirent participer à l’émergence de leur pays le Togo , mais le véritable souci c’est qu’ils s’inquiètent , »ce retour au pays natal »pourrait il leurs être bénéfique?pourraient ils obtenir un soutien une fois rentré au pays? là est le gros souci.Mais comme le souligne votre analyse le Gouvernement ainsi que tous les togolais de la diaspora ont leurs rôle à jouer pour un retour pour le développement de notre pays le Togo.
Je tiens à vous remercier pour cet article que je trouve d’actualité.
En effet ,je suis particulièrement d’accord avec vous sur le fait que la migration a des aspects positifs pour le pays d’origine ,aussi j’ai apprécié ce paragraphe: « Par ailleurs, les togolais de la Diaspora qui ont pris la décision ou qui sont rentrés dans leur pays pour contribuer à son émergence doivent également être fortement encouragés via par exemple un Projet d’Appui au Retour au Pays Natal. »
En réalité tous les togolais de la diaspora quelque soit leur secteur d’activités désirent participer à l’émergence de leur pays le Togo , mais le véritable souci c’est qu’ils s’inquiètent , « ce retour au pays natal « pourrait il leurs être bénéfique?pourraient ils obtenir un soutien une fois rentré au pays? là est le gros souci.Mais comme le souligne votre analyse le Gouvernement ainsi que tous les togolais de la diaspora ont leurs rôle à jouer pour un retour pour le développement de notre pays le Togo.